Groupe F.T.P.F "Chanzy"
La Résistance dans la région Centre.




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Réquisitoire. Plaidoiries. Dans l'attente
du verdict.
Verdict.

Sources documentaires:
"la République du Centre"

Orléans
L’affaire des fusillés de Chartres et d’Orléans
devant la Cour de Justice
du 3 septembre au 12 septembre 1945

Denuzières minimise son rôle et Le Baube prétend avoir été un préfet français.

Pendant les huit ou dix jours que dureront ces débats, la Cour siègera matin et soir.

Les audiences matinales ne sont jamais très suivies et la salle est fort peu garnie quand le Président Saulnier ouvre les débats à 9 heures 30 minutes.

Les accusés sont arrivés vers 9 heures 15 et quelques cris hostiles ont été poussés à leur descente du camion. Ces manifestations augmenteront au départ, à midi et le soir, et la police sera obligée de barrer la rue de la Bretonnerie.

Manifestations inutiles d'ailleurs, puisque la justice est en train de se faire.

Cette fois, Denuzières est introduit le premier. Il n'a plus la belle assurance de l'époque où il se promenait mitraillette à l'épaule, alors que les Allemands ne laissaient même pas un revolver à des policiers jugés moins sûrs.

Il a le droit en écharpe, suite de la blessure reçue dans l'affaire de Beffes, quand il fut capturé par le maquis.

Méresse, Viviani et Devynck interrogés hier étaient les accusés les plus importants de l'affaire d'Orléans dans laquelle le rôle de Denuzières fut secondaire. On lui reproche cependant d'avoir interrogé certains patriotes, en employant naturellement les méthodes brutales qui lui étaient chères.

Caroline ou Rosalie.

" Vous frappiez vos victimes, dit le Président, avec une badine dans laquelle vous aviez pratiquer une entaille. Cette entaille pinçait les chairs, faisant de cruelles blessures. Quand vous frappiez, les malheureux mis à nu étaient maintenus sur une table par un de vos collègues. Vous baptisiez cette badine, Caroline ou Rosalie".

Charlier, Leroux, Perez et deux Espagnols arrêtés grâce à Méresse furent odieusement frappés dans ces conditions.

" Votre conduite fut absolument odieuse et inhumaine ", conclut M. Saulnier.

Denuzières proteste, et prétend ne jamais avoir eu de badine. Il reconnaît seulement avoir donné une paire de gifles à Perez. Mais Méresse affirme qu'il fut frappé avec "Rosalie".

" C'est faux ", dit Denuzières.

Comme Viviani, Denuzières reçut une prime de 3.000 francs, mais il déclare, et Devynck le confirme, qu'il ne s'agissait pas d'une récompense pour l'affaire Jenot, mais pour l'activité générale des policiers qui la reçurent.

Les deux derniers inculpés de cette affaire, Duché et Breton, inspecteurs aux Renseignements généraux de Bourges, ont été désignés pour participer à une souricière établie chez le malheureux Chevrin, l'un des plus actifs chefs F.T.P. de la région.

Chevrin rentra vers 22 heures. Duché, Breton et quatre autres policiers se jetèrent sur lui et il fut frappé, puis déshabillé et enchaîné et, comme Duché avait perdu avait perdu la clé des menottes, on ne put lui remettre sa chemise et on l'emmena à demi-nu au commissariat central.

Duché et Breton affirment qu'ils ignoraient quel était l'homme qu'ils étaient chargés d'arrêter. On leur avait dit, paraît-il, qu'il s'agissait d'un meurtrier.

Quant aux mauvais traîtements, Duché reconnaît une paire de gifles.

C'est l'habitude des accusés dans cette affaire.

Denuzières précise cependant que lorsqu'il Chevrin, ce dernier était " un peu marqué ".

L'activité policière en Eure-et-Loir.

Si, dans " l'affaire des 17 fusillés " des Groues, Denuzières ne joua qu'un rôle effacé, il passa au premier plan dans la lutte contre la Résistance en Eure-et-Loir.

Comme le dit M. Saulnier, " son rôle fut prépondérant et particulièrement néfaste."

Il fut appelé pour la première fois à la suite de l'affaire de Saint-Luperce, mais cette affaire n'eut guère de suites, le Feldkommandant ne tenant pas à dévoiler les motifs de sa présence dans le pavillon de chasse. Il valait mieux, en effet, cacher les vilaines moeurs de ce haut personnage.

Un peu plus tard, Denuzières fut appelé pour l'affaire Fermine et cette fois encore il ne fit pas preuve d'un zèle particulier. Cependant, Francis Fermine, chef F.T.P., l'accuse de l'avoir frappé. Denuzières le nie, il ajoute même qu'il a connu les auteurs du meurtre d'un soldat allemand, à Nérondes, et qu'il ne les a pas inquiétés.

Enfin, survint l'affaire Cortez, c'est à dire celle " des 31 fusill"s ". A partir de ce moment, Denuzières ne quitte plus l'Eure- et-Loir.

Cortez ayant dévoilé toute l'organisation F.T.P., aux Allemands, la Gestapo procéda a de très nombreuses arrestations - 200, dit l'accusé - qui reconnaît qu'il assista la Sieherheizpolizei dans la plupart de ses opérations.

Mais il ajoute:.
" J'en ai fait relâcher beaucoup qui n'avaient rien à se reprocher ".

Denuzières procéda, à la prison allemande de Chartres à de nombreux interrogatoires..

Il affirme que ce n'était pas pour le compte des Allemands, mais uniquement pour ses chefs.

Le Président:
" Vous avez torturé Savouret et Peltiez.

" C'est faux... ce sont les Allemands qui les ont martyrisés. "

Il prétend aussi qu'il ne s'est jamais habillé en Allemand:
" Nous entendrons les témoins. Ils diront qui était là. Ce n'était pas moi ", ajoute-t-il.

Le Président:
" Vous avez pourtant procédé à des arrestations, exploité tous les renseignements; le bilan de cette affaire est de 90 déportés et 31 fusillés".

Denuzières ne répond rien, mais il retrouve son ton de policier pour contredire le jeune Berceron qui prétend avoir été menacé par lui:
" Reportez vous au dossier, dit-il, ne mentez pas Berceron".

Sur une interrogation du Président, l'ex-commissaire Devynck précise les conditions dans lesquelles Denuzières fut envoyé en Eure- et-Loir

Les accords du gouvernement obligeaient la brigade à répondre à toutes les réquisitions des Allemands, permit de passer l'affaire Fermine à la justice française.

Le Président:
" Il est certain que les personnes inculpées dans cette affaire doivent la vie à l'initiative de Devynck qui passa le dossier à la justice française.

Denuzières:
" Je l'ai aidé. J'ai volé des documents compromettants."

Ces interrogatoires ont occupé toute l'audience de la matinée. Il ne reste, pour l'après-midi, que des accusés de moindre importance, à l'exception de l'ex-préfet Le Baube. Les Chartrains qui assistent à cette audience, ne reconnaîtraient pas leur ancien préfet.

Ce colosse, qui s'intitulait lui-même le "Roi de la Beauce " a considérablement maigri. Il a les traits tirés et flotte dans des vêtements trop grands. Il a perdu, paraît-il, plus de 40 kilos.

Il fut préfet d'Eure-et-Loir de décembre 1941 à février 1944.

Le président lui reproche d'avoir désigné l'inspecteur Verney pour suivre les enquêtes sur les sabotages et d'avoir tenu à l'écart les policiers qu'ils ne jugeait pas assez ardents. Il fut l'animateur de la répression et agissait en complet accord avec la Sicherheitzpolizie.

" Vous avez violé, conclut le président, la règle de séparation des pouvoirs, vous avez fait des actes qui n'appartenaient qu'aux magistrats."

Le Baube, qui n'a pas bougé pendant l'exposé du président fait alors une longue déclaration. Il souligne d'abord que les pouvoirs de police lui appartenaient et qu'il était responsable du maintien de l'ordre.

" J'étais traqué par le ministre du Ravitaillement, ajoute-t-il, parce que dans ce département de Beauce, les incendies de récoltes se multipliaient."

" Je ne me suis jamais occupé de la Résistance, ni des attentats sur les lignes stratégiques. Les sabotages d'Illiers étaient commis sur une ligne utilisée seulement par le trafic français."

S'il a appelé la S.P.A.C., c'est parce qu'il jugeait que l'enquête devait être continuée pour éclaicir une affaire concernant des Français " dont j'avais la charge et la responsaabilité " (sic), ajoute-t-il.

Ces Français se seraient certainement passés de son intervention.

Le directeur de la Sûreté l'envoya à service spécialisé qu'il ne connaissaît pas.

" J'ai conscience, dit-il en terminant, d'avoir fait honnêtement mon métier de préfet français."

Verney, qui est entendu ensuite, se défend d'avoir travaillé pour Le Baupe, et nie absolument avoir frappé Fermine devant la S.P.A.C.

" Je n'avais rien à me reprocher, dit-il, et, au moment de la libération, j'ai assuré seul, pendant dix jours, les fonctions de commissaire à Chartres. On m'a jalousé ensuite parce que j'étais chef de cabinet du secrétaire général pour la police.

< Pourquoi, alors, avez-vous pris la fuite dans une voiture de police ? "

" C'était la voiture qui m'était affectée comme chef de cabinet et je savais qu'un arrêté d'internement était pris contre moi. "

Les autres accusés ont eu des rôles secondaires. Marigault nie avoir donné la liste de ses camarades. Verbencken ergote sur les sommes que les Allemands lui donnèrent pour sa trahison.

Il doit reconnaître qu'il s'engagea par deux fois à la L.V.F. et la femme Pipet déclare qu'elle devint la maîtresse de Verney puis de Denuzières pour pouvoir envoyer des colis à son mari. Elle affirme ne pas leur avoir donné de renseignements.

" Je ne porte pas d'appréciation sur votre moralité, lui jette le président. "

Les premiers témoins. Le premier témoin est le commissaire Beuf, chef de la 5ème brigade mobile. Il donne brièvement quelques détails sur une lettre envoyée par Jenot à sa soeur dans laquelle il révèle les épouvantables sévices qui lui furent infligés par la S.P.A.C.

Nous ne répèterons pas ces épouvantables détails.

Jénot fut admirable de courage et de résistance. Devynck l'avait d'ailleurs déjà reconnu hier.

M. Beuf, qui fit une enquête approfondie sur les agissements de la S.P.A.C., raconte comment un inspecteur nommé Mullet, tua froidement un résistant qu'il voulait arrêter dans le Cher.

Son enquête prouve que Méresse s'est mis volontairement au service de la police. Il estime que Viviani a fait son devoir de policier sans excés de zèle.

Le commissaire Deschamps a fait une enquête fort complète sur l'affaire d'Eure-et-Loir. Il a interrogé Fourcade qui a déclaré qu'il fut appelé par le commissaire Marsac chargé de l'affaire Déat. Marsac, on le sait, fut lynché par la foule à Dijon.

Le témoin tient à préciser que Fermine n'a pas trahi ses camarades comme on le lui a reproché. Il affirme que huit témoins accusent Denuzières de s'être habillé en allemand et d'avoir brutalisé les personnes qu'il interrogeait à la prison allemande.

" Je nie absolument, proteste Denuzières."

Avant de lever l'audience, le président tient à complimenter chaleureusement MM. Beuf et Deschamps de leur "diligence, leur compétence et leur dévouement " rappelant les efforts du commissaire Deschamps pour découvrir les responsables du drame du By.

Il tient à louer aussila remarquable instruction de M. le juge Leaudreau. M. Larrieu associe le ministère public à ces éloges.

L'audience est levée ensuite


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